• suffixe -il/-ille : "A la série méteil, oreille, treille, corbeille, corneille, seille, le français commun oppose une série de formes avec i, telles que persil, til, chenille, lentille, étrille, faucille, alors qu'il eût pu éviter cette antinomie en s'adressant au poitevin perseil, teil, foceille, étreille, ou au bourguignon tseneille, tseveille, lenteille. Ce sont bien évidemment des formes venues de dialectes différents que l'on doit reconnaître dans enseigne et signe < sĭgnat, sommeiller et pendiller, faisselle < fĭscella et arbrisseau < arboriscellu-, leçon pour un primitif leiçon et plisser < plectiare, fayer < frĭcare et ploier < plĭcare, noyer < nĕcare et pier < prĕcare.
        "Il est même arrivé que le français a donné droit de cité à des dérivés qui appartiennent à une formation dialectale différente de celle des simples correspondants, c'est ce que l'on constate pour tilleul et tignasse qui sont venus se justaposer à teille et à teigne, après avoir dépossédé les formes normales teilleul et teignasse.
        "Dans des cas d'ailleurs assez rares, l'Académie a fait accueil à deux formes dialectales différentes. De là les doublets teille et tille, teiller et tiller, greillon et grillon, ceintre et cintre, ceintrer et cintrer, cingler pour un plus ancien çaingler et sangler < cĭngulare, saingle et sangle < singulu-, cf. charrier et charroyer, subst. verb. charri (veilli) et charroi, ployer et plier, employer en regard de supplier, reployer et replier.
        "Tandis qu'employer a barré la route à emplier et que supployer s'est laissé supplante par supplier, ployer et déployer se défendent encore contre plier et déplier ; seulement, dans sa recherche de précision et de clarté, la langue incline à répartir entre les deux formes concurrentes des significations qui à l'origine leur étaient communes ; comparez, par exemple, les expressions "ployer sous le faix" et "plier un habit", "déployer ses ailes" et "déplier sa marchandise". A côté de léchier pour un primitif leichier <*lĭgicare, on voit apparaître, dès le XIIe siècle, la variante dialectale lichier qui a fini par prendre en français le sens spécial de "manger et boire sensuellement". Le bourguignon ne connaît que loichier et le lyonnais que lichî. Des spécialisations de sens analogues ont affecté les doublets d'origine dialectale cingler et sangler, ceintrer et cintrer, charroyer et charrier.
        "A l'assemblage bizarre de formes hétéroclites qui caractérise le français littéraire, il convient d'opposer la régularité parfaite avec laquelle les diverses formes romanes sorties du phonème ẹ + i̯ se sont réparties entre les divers parlers populaires de la France.
       POITOU : meil "mil", bareil "baril", arteil "orteil", perseil "persil" ; bouteille, cheneille, cheveille, étreille, foceille, nanteille "lentille", treille ; teigne ; plyèye < plĭcat ; seillon "sillon, veiller, chareyer, appareiller.
        BOURGOGNE : barè, artè ; avèye, tsenèye, tsevèye, etrèye, focèye, kèye, nantèye, orèye, trèye ; teigne ; plèye < plĭcat ; sèyon, téyot "tilleul", tsarèyer, vèyer "veiller", prèyer, lèyer.
        ARTOIS et PICARDIE : bari, persi, ; kévile, étile, fochile, kile, lentile, trile ; tine, falise "falaise" ; tilyeu, milyet, tignon, pichon "poisson", milleur, nient, karier, prier ; anc. artès. franchise, trille, pisson, lichon < lectione, milleur, nient, signor, priier.
        NORMANDIE : mil, bari, persi ; keville, étrille, focille, kille, lantille ; orile "oreille", vrile "vrille" ; milet, tilleul, viller "veiller", karier, prier, lier ; anc. norm. flambie "flamboie", otrie, lie, amendise ; oriiller "écouter", gopiller "ruser", prier, lier, otrier, liçon < lectione (Saint-Alexis).
        LYONNAIS : artè "orteil" ; avilli, barilli, botilli, chanilli, nentilli, silli "seille", equevilles < scopĭlias, trilli ; tigni ; sillon, tillot "tilleul", milyu "meilleur", sorillî < sol + ĭcu-lare, marvilyu, licion "leçon", lichî "lécher", villî "veiller", priyî, liyî "lier", pliyî "plier" ; anc. lyon. (jusqu'au XVIIe s.) aveilli, bareilli, boteilli, seilla (sic) < sēcăla, n. lyon. silla ; preyer, meillor, despleyer.
        DAUPHINE : perecei pour un primitif pereceil "persil", petei < pistĭliu, anc. dauph. pesteil "pilon", cholei < calĭculu- "lampe" ; avilli, chavilli, nantilli, volpilles "peaux de renard" ; tigni ; tillot, essorillier "exposer au soleil", lichier "lécher".
        FOREZ : paréy "pareil" ; aveilli, bouteilli, chaneilli, lenteilli, seilli, moreilli "noiraude" ; anc. forez. perecel "persil", vermeyl, aneilli, treilli.
        "Les constatations que l'on vient de faire dans quelques parlers français ou rhodaniens, nous pourrions les faire également dans les parles provençaux ou dans ceux de la péninsule italique. Pour ces derniers, il me suffira de citer le vénitien : megio "mil", tegio "til", cavegia "cheville", stregia "étrille", maravegia "merveille", tegna "teigne" ; somegiar < *similiare.
    (PHILIPON (E.), Les destinées du phonème e + i dans les langues romanes, in Romania XLV, p.425 ss. 1918-19)
    Sont originaire du Nord ou de Normandie :
        tilleul (lat. pop. *tiliolus « tilleul », dimin. de *tilius « id. », masc. issu du lat. class. tilia fém. « id. ». (anc. fr. teill et teil)
        tille, teille (lat. d'époque impériale tilia « tilleul », d'où « écorce de tilleul », p. ext. « écorce ».) Le français commun eploie concurremment teille et tille, teiller et tiller.
        croisille (de croix, suff. -ille, lat. crucilia) (anc. fr. croiseille)
        morille (lat. *maurīcŭla, dér. de maurus «brun foncé», v. maure, en raison de la couleur sombre de ce champignon). En alld Morchel, en néer. morilje, anc.fr. moreillon, morillon.
        oisillon (dér. de oisel, forme anc. de oiseau; suff. -illon (-ille + -on), lat. *aucellione). Anc. fr. oiseillon.
        arbrisseau (lat. arboriscellu) anc. fr. arbreisel, arbroissel
        vermisselle (lat. vermiscellu) anc. fr. vermesel, vermoiseau, vermissial.
        lentille (lat. pop. lentīcula, class. lentĭcula « lentille (plante et graine); taches de rousseur » (dimin. de lens, lentis « lentille »)) bourg. nantèye, lorr. lentéye, poitev. lanteille, à côté du normand, du picard et de l'artésien lantille, lantiye, lantile.
        vrille (du lat. viticula « cep de vigne; tige d'une plante grimpante » (dér. de vitis « vigne ») d'où les anc. formes judéo-fr. vedile « id. » fin xies, vedille, xiiies.; a. fr. veïlle mil. xives. ; 1542 vehille (cf. l'ital. viticchio « id. » xives.) et le sens de « outil de fer à vis » 1295 veile, avec -r- mal expliqué, peut-être par épenthèse, ou sous l'infl. de mots de la famille de virer).
        chenille (lat. can-icula proprement « petite chienne » (en raison de la forme de la tête de la chenille)). bourg. tseneye, champen. et lorr. chenèye, poitev. cheneille, en regad du français commun chenille. Le latin populaire *corn-icula a donné en français corneille, cornaille, cornoille et cornille, en v. provençal cornelha et cornilha, en espagnol corneja, en toscan corniglia.
        baril (issu d'un gallo-rom. barriculus, prob. dimin. de *barrica (barrique*; v. Cor., s.v. barril et barrica))
        grille et griller (lat. class. craticula « petit grill », dimin. de cratis « claie, grille »)
        tignasse (à côté de teigne et teigneux)(1. a) 1680 tignasse « mauvaise perruque » (Rich.); 1690 teignasse (J. B. Thiers, Hist. des Perruques, p. 29); b) 1808 teignasse « coiffe enduite d'onguent dont on recouvre la tête des teigneux » (Boiste); 2. 1680 tignasse « chevelure mal peignée » (Rich.); 1690 teignasse (Fur.). Dér. de teigne; suff. -asse (-ace))
        digne (empr. au lat. class. dignus « digne de, qui mérite (quelque chose); méritant, digne »)(à côté de daigner, dédaigner, mais s'indigner.
        signe (empr. au lat. signum (cf. le doublet seing qu'il a remplacé)) à côté de enseigne.
        -ĭcare : fier (*fidare), lier (ligare), nier (negare), plier (plicare), prier (precare), scier (secare) mais frayer (fricare), doyen (decanus), octroyer (auctorare/auctorizare)...
        vouivre (var. de guivre, lat. class. vipera « vipère » altéré en *wipera sous l'infl. de nombreux mots germ. en w- (v. aussi guipe), cf. l'a. h. all. wipera, lui-même empr. au lat. vipera) à côté de hérald. voivre (1306), vivre, dans les dial. du Centre et de l'Est.
        brebis, souris, chenevis : le dernier d'origine bas-normande (kenevis, kenevwi, kenwi en picard)
        prison (lat. pre(n)sionem, acc. de *pre(n)sio , contraction de prehensio «action d'appréhender au corps» (prendre), devenu preison, puis prison, sous l'infl. de pris, part. passé de prendre). 
        priser (b. lat. pretiare «estimer, priser») anc. fr. preiser.
        gambison (rad. de l'a. fr. gambais « pourpoint rembourré ») suff. -aison* remplacé (dans certains dial. et sur le modèle de mots sav.) par la forme collatérale -ison*.
        connil (lat. cuniculus « lapin », mot d'orig. ibérique selon Pline, mais esp. conejo, port. coelho. En Italie, le bologn. conej, conel s'oppose au tosc. coniglio). Le wallon a : conin.
        goupil : 1121-34 gupil (Ph. de Thaon, Bestiaire, 1776 ds T.-L.). Du b. lat. vulp-iculus, lat. class. vulpecula « petit renard », dimin. de vulpes « renard ». On aurait en picard, normand, wallon, champenois... wulpille, wulpeille...
        charrier : issu de charrer « jaser, plaisanter » attesté ds les parlers de Normandie (karier en picard).
        tricher : lat. *triccare, du b. lat. tri̊care, lat. class. tri̊cari « chercher des détours, chicaner » par redoublement expr. de la cons. finale du rad. picard triquer (cf. ang. trick)
        châtier : lat. castigare « corriger » attesté en lat. eccl. au sens de « se mortifier ». picard castier, catier.
        figer : norm. à l'orig.; du lat. pop. *feticare proprement « prendre l'aspect du foie »; de *feticum « foie » issu du lat. de l'époque imp. ficatum devenu *fecatum (v. foie) puis feticum, avec métathèse des consonnes c et t et substitution de suff.; la forme figier serait due au pic. fie issu de *ficatum.
        cheville semble provenir du bas normand (haut-normand et picard : keville), moins probablement du wallon cheville, à moins qu'il s'agit d'un emprunt technique du langage de la mine (dans le sens de pièce de bois : Ca 1160 « tige de bois dont on se sert pour assembler des pièces » (Eneas, 249 ds T.-L.) ; ca 1200 « tenon pour accrocher » (1recontinuation de Perceval, éd. W. Roach, I, 10439) ; ce qui n'explique pas le sens anatomique : Ca 1165-70 anat. (Troie, 16776 ds T.-L.)).
        faucille 1121-34 falcilles (Ph. de Thaon, Bestiaire, 766 ds T.-L.). Du b. lat. falcicula « faucille, serpe ». Philippe de Thaon était un moine et poète anglo-normand du début du XIIe siècle.

        Le latin classique fĭscella "petite corbeille où l'on fait égoutter les fromages" a donné en langue d'oïl feisselle, faisselle, foisselle et fisselle. Cette dernière forme est manifestement originaire du nord ; on la trouve dans Raoul de Cambrai, 1187, ainsi que dans un titre picard et dans l'Evangile aux femmes d'un poète du Cambrésis, cités l'un et l'autre par Goderoy, IV, 13 ; la forme flamande fissielle a été relevée par le même lxicographe dans un titre des archives de Lille. Il s'en est fallu de peu que fisselle n'obtînt droit de cité dans la langue littéraire ; c'est cette forme, en effet, qu'employait Remy Belleau, l'un des poètes de la pléiade. La forme parisienne faisselle a toutefois fini par l'emporter. (PHILIPON (E.), Les destinées du phonème e + i dans les langues romanes, in Romania XLV, p.450, 1918-19)


  • suffixe -ingue / -inque :

    Eng, au féminin engue. Ce suffixe a conservé la forme ing dans les langues germaniques; cf. hareng, ici hèreng, anglais herring, allemand hering. Eng est  souvent orthographié ent — cf. les noms patronymiques Hérent, Flament — et engue est prononcé ingue (par. 210). Dans les langues méridionales où il est fort répandu, ce suffixe se présente sous les formes enco et ingo : italien camerlingo,


    d'où camerlingue = chambellan, v. fr. chamberlenc d'où l'anglais chamberlain. En français ing est devenu enc, ent, an, et ange au féminin.


    L.Brébion, Etude philologique sur le nord de la France, par. 108, p.62
    - courtingue (boulonnais, courtine, "rideau")
    - brindezingue ("légèrement ivre")
    - famingue (boulonnais, "famine")
    - pizingue : personne de mauvais caractère (Artois)
    - wassingue (serpillière)
    - masinque, mazinque ("mésange, femme méchante", de l'a. b. frq. *meisinga, mésange. Cf. aussi le lat. médiév. mesenga «mésange» dès le Xe s.)
    - flaminque (flamand, de flaming)
    - flamingant
    - podinque (pour pudding)
    - pizinque    (méchante)
    - poufrinque (poussière)
    - péninque (bonbon en forme de spirale, Vermesse)
    - salinghe, salinque (endroit où l'on raffine le sel, en rouchi)
    - salinque, salende (saule marceau en rouchi)
    - wateringue
    - widinque (vidane en rouchi)
    - dringue (mtn drisse)(emprunté par Paris puis Puy-de-Dôme et Côte d'Or (région Centre de la France))
    - berlinguer "lancer en l'air une pièce en lui imprimant avec le doigt une rotation" (Poilly)
    suff. -ling, -ring et -ing courant aussi en bargoensch (sauf à Bruxelles)(krakeling "mot", landing "dispute", spanling ou zwirling "oeil", blosselink "poisson")

    - suffixe -and plus courant qu'en français (voir les noms allemand, flamand, normand... et les noms goéland (du breton gwelan « mouette » et suff. normand), brigand (de briguer), chaland (caland en 1100, puis chaland), friand et gourmand, marchand, ordinand et confirmand, truand) ; solant (remuant, Edmond Lecesne)


    - suffixe agentif -enc (français -and, dans tisserand...). Cf. boulenc (« celui qui fabrique des pains ronds », boulanger)


    -eng, fem. engue, parfois -ent (germ. ing) : hareng, Flament, boulenc (boulanger), wassingue... ; fréquent dans les langues méridionales : enco et ingo.


    Dans les noms de lieue (-ange dans l'Est) : Bonningues, Affringues, Peuplingues, Houdain, Houdenc... souvent suivi de -hen, -hem, -thun (-ham, -ingham, -ton, ington- en anglais : Birmingham, Billington...) : Waringthun, Radinghem...


    -leng, -lent, -len, fem. -lengue (germ. -ling) : éperlan, merlan, brelan...


  • -is : Le suff. -ëiz, réduit progressivement au monosyllabe -ëiz, -iz, -is, a pour orig. le lat. -aticiu. Le suff. a eu une productivité considérable en a. fr. : acolëiz, baisëiz, chaplëiz, defolëiz, froissëiz, meslëiz, poignëiz, tuëiz. L'orig. du suff. -is dans les dér. à valeur collective sur des bases subst. reste obscure : châssis (ca 1160, chasiz), lattis (xiiies., latis ds Lar. Lang. fr.), paillis (xiiies., pailliz, ibid.). Le fr. mod. garde quelques témoins de -is à valeur de part. prés. : vent coulis et subst. fém. coulisse (1165-76, porte de fer coleïces), pont levis (xiies., pons leveiz).


  • suffixe -ise : franchise (anc. francheise), feintise (anc. feinteise), prison (proison), chemise (chemeise)... qui sont les formes normales pour un i bref latin (-ise (d'origine du nord, d'origine savante d'après Gaston Paris)/-eise (d'origine normande) comme -ice (d'origine du nord, mais d'origine savante d'après Gaston Paris : sacrifise passe à sacrifice) et -esse (d'origine centrale : richeise passe à richesse, grandise passe à grandesse) < lat. -itia). Richesse et prouesse ont supplantés richise et proïse. Artison et sillon ont par contre eu raison de artaison et de seillon/soillon (cf. parrish en anglais de paroisse).
        Quand on se réfère au Dictionnaire de Godefroy, il semble qu'en langue d'oïl, les formes en -ise l'emportent et de beaucoup sur les formes concurrentes en -eise ou en -oise ; c'est ainsi que pour certise, franchise, gentilise grandise, on chercherait vainement les formes correspondantes en -eise ou en -oise sur lesquelles on serait en droit de compter en présence non seulement du lyon. francheisi et du prov. certeza, grandeza, gentileza, mais encore des formes françaises telles que richeise, proeise. En réalité, la prédominance des formes en -ise n'est qu'une apparence, elle tient à ce que les oeuvres littéraires du moyen âge qui nous sont parvenues, ont été pour la plupart sinon composées du moins copiées dans le nord du domaine d'oïl, c'est-à-dire précisément dans la région où le phonème ẹ + i̯ aboutit normalement à i. C'est de la même manière qu'il faut expliquer l'abondance des formations en -ice telles que bandice, molice, etc. [...]
        Pour être complet, je dois ajouter qu'à l'époque romane, la langue d'oïl a fait un fréquent usage des suffixes sortis de -ĭtio, -ĭtia ou -ĭcio, -ĭcia, pour tirer de noms ou d'adjectifs français des dérivés tels que couard-ise de couard, sechise de sèche, prov. sequeza, volise "volaile", soutilece "adresse" de soutil.
        Le français commun a éliminé la plus grande partie des formations en -ĭtia, fran. -eise, -ise qui se rencontrent dans nos anciens textes, pour les remplacer par des formations en -ĭcia, franç. -eice, -ice : richeice, proeice, grandeice, aspreice, justeice, aujourd'hui richesse, prouesse, etc., ont été préférées à richeise, proeise, grandeise, aspreise, justeise ; toutefois, quelques formes en -ise doublet dialectal de -eise, ont réussi à obtenir droit de cité dans la langue littéraire ; c'est là ce qui explique l'alternance richesse, prouesse, paresse : franchise, feintise, couardise.
    (PHILIPON (E.), Les destinées du phonème e + i dans les langues romanes, in Romania XLV, p.467-468, 1918-19)
    -ise a été un suff. productif. En a. et m. fr., il alternait fréq. avec -ie (cf. auj. sottise/sotie); -ise a reculé notamment au profit de -erie : commanderie/-ise, galanterie/-ise, ivrognerie/-ise, etc. En fr. mod., le suff. est resté productif, mais uniquement à partir d'adj. en -ard. V. débrouillardise (1937, La Croix), égrillardise (1927, Montherl.), faiblardise (1905, Alain-Fournier), goguenardise (1853, Champfl.), gueulardise (1858, Sand), jobardise (1887, Laforgue) et aussi : musardise (1845, Besch.), pochardise (1875, Lar. Lang. fr.), roublardise (1888, Zola ds Lar. Lang. fr.), vachardise (1936, Céline, Mort à crédit, p. 154), vantardise (av. 1850, Balzac ds Lar. Lang. fr.). Le seul dér. mod. sur une autre base est traîtrise (1810, Lar. Lang. fr.).


  • - le suffixe agentif -man se retrouve en flamand contreman (adversaire), secret man (taciturne, homme qui reste secret), mais aussi en picard cloqueman (celui qui fait sonner les cloches du beffroi), espolman (celui qui manie l'espol (bobine de fil), fileur, mtn. épeulman (en général des enfants, garçon ou fille), figueman (celui qui distribut des figues durant le carnaval de Dunkerque), Trucheman (truchement), est donc l'homme qui truche, amman, bosseman, normand, flamand, romand, allemand, lamanage et lamaneur d'un ancien lomant, gourmand/gourmet (?)...