• -suffixe -ise / -ice

    suffixe -ise : franchise (anc. francheise), feintise (anc. feinteise), prison (proison), chemise (chemeise)... qui sont les formes normales pour un i bref latin (-ise (d'origine du nord, d'origine savante d'après Gaston Paris)/-eise (d'origine normande) comme -ice (d'origine du nord, mais d'origine savante d'après Gaston Paris : sacrifise passe à sacrifice) et -esse (d'origine centrale : richeise passe à richesse, grandise passe à grandesse) < lat. -itia). Richesse et prouesse ont supplantés richise et proïse. Artison et sillon ont par contre eu raison de artaison et de seillon/soillon (cf. parrish en anglais de paroisse).
        Quand on se réfère au Dictionnaire de Godefroy, il semble qu'en langue d'oïl, les formes en -ise l'emportent et de beaucoup sur les formes concurrentes en -eise ou en -oise ; c'est ainsi que pour certise, franchise, gentilise grandise, on chercherait vainement les formes correspondantes en -eise ou en -oise sur lesquelles on serait en droit de compter en présence non seulement du lyon. francheisi et du prov. certeza, grandeza, gentileza, mais encore des formes françaises telles que richeise, proeise. En réalité, la prédominance des formes en -ise n'est qu'une apparence, elle tient à ce que les oeuvres littéraires du moyen âge qui nous sont parvenues, ont été pour la plupart sinon composées du moins copiées dans le nord du domaine d'oïl, c'est-à-dire précisément dans la région où le phonème ẹ + i̯ aboutit normalement à i. C'est de la même manière qu'il faut expliquer l'abondance des formations en -ice telles que bandice, molice, etc. [...]
        Pour être complet, je dois ajouter qu'à l'époque romane, la langue d'oïl a fait un fréquent usage des suffixes sortis de -ĭtio, -ĭtia ou -ĭcio, -ĭcia, pour tirer de noms ou d'adjectifs français des dérivés tels que couard-ise de couard, sechise de sèche, prov. sequeza, volise "volaile", soutilece "adresse" de soutil.
        Le français commun a éliminé la plus grande partie des formations en -ĭtia, fran. -eise, -ise qui se rencontrent dans nos anciens textes, pour les remplacer par des formations en -ĭcia, franç. -eice, -ice : richeice, proeice, grandeice, aspreice, justeice, aujourd'hui richesse, prouesse, etc., ont été préférées à richeise, proeise, grandeise, aspreise, justeise ; toutefois, quelques formes en -ise doublet dialectal de -eise, ont réussi à obtenir droit de cité dans la langue littéraire ; c'est là ce qui explique l'alternance richesse, prouesse, paresse : franchise, feintise, couardise.
    (PHILIPON (E.), Les destinées du phonème e + i dans les langues romanes, in Romania XLV, p.467-468, 1918-19)
    -ise a été un suff. productif. En a. et m. fr., il alternait fréq. avec -ie (cf. auj. sottise/sotie); -ise a reculé notamment au profit de -erie : commanderie/-ise, galanterie/-ise, ivrognerie/-ise, etc. En fr. mod., le suff. est resté productif, mais uniquement à partir d'adj. en -ard. V. débrouillardise (1937, La Croix), égrillardise (1927, Montherl.), faiblardise (1905, Alain-Fournier), goguenardise (1853, Champfl.), gueulardise (1858, Sand), jobardise (1887, Laforgue) et aussi : musardise (1845, Besch.), pochardise (1875, Lar. Lang. fr.), roublardise (1888, Zola ds Lar. Lang. fr.), vachardise (1936, Céline, Mort à crédit, p. 154), vantardise (av. 1850, Balzac ds Lar. Lang. fr.). Le seul dér. mod. sur une autre base est traîtrise (1810, Lar. Lang. fr.).