Il y a un terme qui reste peu connu des Francophones de France mais qui est courant aux Québec, en Suisse, au Luxembourg et en Belgique. Il s'agit de la fonction d'ombudsman. En France, on fait plus souvent appel au médiateur (de la République).
C'est ici un emprunt direct, mais de quelle langue ? Et quel en sera son pluriel et sa forme féminine. Le terme n'étant encore que peu répandu (la fonction ne se répand que depuis quelques décennies). Il semble qu'on hésite, mais qu'une tendance se fasse cependant sentir...
Monsieur l'ombudsman, Madame l'ombuds...
Le CNRTL.fr ne le rentre pas dans son corpus. La BDLP (bdlp.org) n'entre pas le mot non plus. On compte cependant un ombudsman européen (ou euro-ombudsman en europanto) depuis peu. Le Monde en parle donc (cf. http://dictionnaire.cordial-enligne.fr/definition/ombudsman). La fonction est unique et il est portée maintenant par une femme. Wikipedia dit alors la médiatrice (ombudsman). Le site anglais même la dit, en dehors de toute logique, european ombudsman.
Commençons donc par le Québec. Les réponses seront faciles à trouver. Le Termium Plus rappelle qu'il est à éviter et demande de recourir au terme de « protecteur des employés ». Le granddictionnaire.com (dont le rôle est d'indiquer les variantes francophones d'anglicismes à éviter) demande d'employer « défenseur de la clientèle, médiateur ou protecteur du citoyen ». Il déconseille ombudsman, ombudsperson et ombudswoman. On imagine que le pluriel sera ombudsmen. C'est d'ailleurs ce que donne le dictionnaire Reverso.
Ensuite la Suisse. Le Dictionnaire historique de la Suisse a bien un article (http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F10356.php), mais n'évoque par la déclinaison du mot. Un document suisse (http://www.vd.ch/fileadmin/user_upload/rag/2008/dfin/fonction_ombudsman.pdf) reprend l'histoire du terme et indique l'entrée du mot dans Le Petit Robert en 1993, avec comme pluriel ombudsmans ou ombudsmen. Mais pas d'indication de la forme féminine. On trouvera aussi le terme de médiateur et on utilisera donc son féminin. En allemand, on dit naturellement Ombudsfrau. Le pluriel est en allemand Ombudsmänner et le mot se décline dans cette langue normalement. Le pluriel féminin est donc naturellement Ombudsfrauen.
Au Luxembourg, on peut avoir accès au site http://www.ombudsman.lu/ qui permet de s'adresser à la médiateure... la médiatrice étant une femme. En allemand, on peut également faire une requête à la Médiateure (wortwörtlich). En anglais, la dame devient Mediator. En luxembourgeois, (on l'apprend sur le site de la ville de Luxembourg), on fait appel à l'ombusman. On a donc aussi le féminin luxembourgeois ombudsfra. Les pluriels sont ombudsmänner et ombudsfraen. Wikipedia qui nous en apprendra la plus indique (page luxembourgeoise) que Jean-Claude Juncker privilégiait le terme de Knoutermann et Knouterfra. Le dico.lu donne le sens de grognon pour knoutereg et grogner, gronder, marmonner pour le verbe knouteren. On peut le traduire par homme des plaintes. Jean-Paul Juncker se sentait de défendre la langue luxembourgeoise des mots d'origines étrangères ? Mais là encore, pas moyen de se douter de quelle langue le luxembourgeois se sent envahi : français, allemand, anglais, suédois...
En Belgique maintenant. Petit rappel : le pays est officiellement trilingue français, néerlandais et allemand. La page néerlandaise indique que le titre est médiateur en français, mais il indique la dernière ombudsman européenne. Le féminin est ombudsvrouw. Les pluriel sont ombudsmannen et ombudsvrouwen. La page en allemand présente également les Ombudsleute (gens, personnel de médiation). Le féminin est, comme on l'a dit, Ombudsfrau. Les pluriel Ombudsmänner et Ombudsfrauen. Mais en français, si on dit ombudsman (et non médiateur), quel pluriel et quel féminin utilisera-t-on ? Il semble que la Belgique utilise en fait le féminin d'ombuswoman (pour preuve le passage pris de l'émission On n'est pas des pigeons). Mais pourquoi donc ?
Suivre le lien suivant pour s’en convaincre :
http://www.driveplayer.com/#fileIds=0B1y6E1zASw07dDhTOF9EeGdFWjQ&userId={userId}
Le mot est d'origine anglais, non ? Et ombuds signifie en anglais ? Le mot est en fait d'origine suédoise. C'est même la page anglophone de wikipedia qui nous l'apprend. Le suédois a pour étymon umboð signifiant représentant. L'auteur nous dit que le mot ombudsman est maintenant utilisé dans divers langues, dont l'espagnol, le néerlandais et le tchèque. Et précise les exceptions « notables » du français et du finlandais qui utilise une traduction. L'auteur ne les cite cependant pas, en effet, on s'en fout !
Mais alors pourquoi utiliser le pluriel anglais en région bruxelloise ? Que le mot soit entré en français du Canada par l'intermédiaire de l'anglais, d'accord (c'est en tout cas ce que nous dit le granddictionnaire). Mais à Bruxelles ? En fait, en général, on jongle avec les féminins : une ombudsman, une ombudsvrouw, une médiatrice (une médiateure a l'air d'être une exception luxembourgeoise)... Il ne manqué plus que l'ombudswoman pour terminer la ronde. D'autant plus que le français même semble avoir adopter la forme féminine -woman pour un mot (sensément d'origine anglaise) se terminant par -man :
Les pluriels sont en général ceux de l'anglais, ou parfois le -s, marque du pluriel français, c'est d'ailleurs ce que conseille les dictionnaires. sOu on reprend le terme français correspondant à l'activité (joueuse de, musicienne de, pilote de...).
On aurait pu imaginer que le français, au moins en Belgique, adopta le féminin que le néerlandais nous avait emprunté (avant d'être également envahi par l'anglais) : le féminin en -esse. On trouve en effet dans cette langue les féminins barones, doktores, sur des mots d'origine française, mais aussi pour des mots d'origine germanique : danseres (danseuse), zangeres (chanteuse), burgeres (citoyenne), mordenares (meurtrière)... Ainsi donc, alors qu'en français, ce féminin tombe en désuétude (on ne compte plus qu'une dizaine de mots portant ce féminin, dont duchesse, princesse, comtesse, diablesse, prêtresse, tigresse, doctoresse, mairesse...), on aurait pu imaginer une recrudescence de cette terminaison avec taxissesse, jazzesse, rugbymanesse... et ombudsesse ou ombudsmanesse, à défaut de ombudsvrouw... mais non, la mode est à l'anglomanie, quand bien même elle serait bien peu anglaise (tenniswoman est absolument jamais utilisé en anglais), et va pour l'ombudswoman.