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pape (une), papin (un)

Définition : bouillie pour enfants (Vermesse dit farine délayée avec du lait), panade ; pâte flasque et compacte ; colle de pâte, colle de farine ; empois ; boue (papin est aussi le nom de la blatte, désigne aussi un coup, une gifle, une raclée et est une déformation du mot pépin. Enfin Albert Droulers indiquait dans Sous le poing de fer (1918) "comme il est sévèrement interdit de prononcer les mots « boches » ou « barbares », ils parlent des « papins gris » ou des « paratonnerres » en souvenir du casque à pointe, aujourd’hui presque disparu"). Citons enfin la tarte au papin, appelée aussi tarte au libouli, tarte à gros bords ou tarte porteloise, spécialité culinaire du Boulonnais inventée par Mémère Harlé à Wirwignes en 1919.

Répartition : Nord, Belgique (dans la Somme, on dit papin pour la bouillie de farine et d'eau, et papiner pour coller, ch'est min papin pour c'est mon régal). Legrand ne cite que patiau "patée pour les oiseaux". Hécart fait entrer dans son dictionnaire papin et indique "On dit pape en Belgique ; même origine".
     Vermesse signale dans le même sens papette à Roquefort, pépette dans le centre de la France et papet dans l'Isère. Papin et papoute (Julien Travers, Glossaire du patois normand). Fertiault dans son Dictionnaire du langage populaire verduno-châlonnais cite les variantes : papéte (Verdun), pépette (Berry), papôte, papa (Bourgogne), papet (Dauphiné), paipet (Franche-Comté), papet, papette (Genevois), pépette (picard), papin (rouchi), papet (Toulouse), pape (wallon). Voir panée et papoute et poupoute où il renvoit à papoute, papoue (Berry), papôte (Bourgogne), papoute (Champagne), papin (Flandre), papa (Forez), papot, papote (genevois), papa (Haute-Auverge), papoute (Morvan), poupou (Saintonge)...

Dérivés : paper (wallon), papiner, papéner (verbe coller ou manger le papin), papinette "cuillère de bois pour manger le papin, bouillie" (Vermesse), rapapiner et papineux (Corblet). L'adjectif wallon est papiasse. Dans le Boulonnais, Haigneré donne uniquement l'expression S'papiner les loupes (se pourlécher, avoir l'eau à la bouche), quand Corblet pour ce sens donne le verbe se papeter. Huvelle indique l'expression de Ath jë  n’ sé pus dîre pâpe ! que dit  quelqu’un qui a mangé plus que de raison (se dit en flamand également ik kan geen pap meer zeggen). Empapinné ("povre prisonnier, doré et empapiné d'oeufz, de fromaige et de lait, et aultres choses plus de cent") se rencontre dans Les Cent Nouvelles nouvelles, dites du roi Louis XI, recueil de contes, composés de 1456 à 1461 à la cour du duc de Bourgogne Philippe le Bon à Genappe (Brabant wallon).

Origine : Beaucoup d'auteurs anciens le font provenir du breton ou du celte, mais le dictionnaire étymologique du breton de Victor Henry (1900) signale qu'il remonte à un latin vulgaire pappa. Le breton a d'autres mots pour ce sens de bouillie kaot (du latin calidum, chaud) et yod, youd (aussi avec le sens de confiture) avec le gallois uwd,  cornique yôs, et vieil-irlandais íth (« porridge »), de l'indo-européen *ieu/*gheu (« mélange ») qui a donné jūs  (« droit, autorité ») en latin, ζωμός, zômós (« sauce ») en grec ancien, gjanë (« soupe ») en albanais...
    La première attestation est trouvé dans les textes du célèbre talmudiste français de Troyes, Rachi, au XIe siècle. Il se retrouve au XIIIe siècle dans les dialectes de l'Ouest, et ne subsiste plus guère que dans le dialecte wallon 1812 (Ph. Delmotte, Essai d'un glossaire wallon, p.496). Il vient du latin pap(p)a, mot expressif dont les enfants désignent la nourriture, attesté dans les autres langues romanes : ital. pappa (XIVe s.), espagnol papa (1400) et également en anglais (ca. 1430). Voilà ce que nous apprend le très bon CNRTL qui ne cite papin que dans le DMF (Dictionnaire du moyen-français). Le mot est également breton sous les forme pap et papa [preder.net et devri.bzh].
    C'est oublier l'influence des langues germaniques. La même sonorité pour le même sens se retrouve en effet en allemand Pappe, mot féminin (‘matériau solide et plat fait de pâte grossière de papier’, autrefois ‘feuilles de papier épaisses et rigides collées ensemble avec plusieurs couches de colle’, dérivé (XVIIIe siècle) de Pappe ‘masse compacte, pâte’), Papp (Expression élémentaire du langage des enfants, qui imite avec ses lèvres le processus de se nourrir. Des formes comparables dans d'autres langues se sont probablement développées indépendamment les unes des autres ; voir lat. pappa, mnd. mnl. pap(pe), engl. nl. pap 'bouillie pour enfants'.) L'allemand a également le verbe familier pappen pour coller. Signalons que la bouillie d'épeautre se dit Habermus (littéralement mousse d'avoine). En schwyzerdütsch, on trouve Papp(e), bap(p) ou bäp(p) pour la bouillie, et bappig pour l'adjectif (comme de la bouillie). En suisse alémanique de bernois, on trouve päppele pour préparer la bouillie. On rencontre même, passé par l'évolution des consonnes en alémanique, un chirsipfäffer (bouillie aux cerises). Le romanche dit également pappa pour l'allemand Pappe et l'italien pappa. Le luxembourgeois connaît bien Pap dans le sens de colle à tapisser, mais réserve pour la bouillie Bräi.
    L'étymologue anglaise de pap renvoi à une origine du vieux-français.
    Le dictionnaire étymologique de la langue néerlandaise nous indique le mot est probablement de la langue des enfants qui pourrait provenir indépendamment de différentes régions. Cependant, selon Frings (1932), la diffusion initialement limitée, uniquement en néerlandais, en Basse-Allemagne et en Rhénanie, laisse penser que le mot a été copié du roman. On peut comparer le pappa italien "bouillie pour enfants" et le pappa latin "bouillie, " et le pappare "manger de la bouillie". Pappen en flamand veut dire "être alimenté par un tiers, donner de la bouillie".
    On peut donc penser que la présence du terme dans les langues germaniques a pu influencer la survivance du mot dans les dialectes du Nord de la romanité. Il est en effet courant en néerlandais et en flamand, on l'avait déjà évoqué sous la forme bloempap dans l'article sur la guinse, mais on ne compte plus les composés avec pap : rijst(e)pap, griesmeelpap, havermoutpap, gortepap, bloemenpap. broodpap, lammetjespap et dans différents dialectes tutjespap, chocolatte pap...

pape (une), papin (un)
les différents pap de la marque Campina


Exemple :
Ta soupe, ch'est de l'vraie pape !

Come des parints ki spotchrént les canadas, les raecenes et l' fricassêye po fé ene pape po leu ptit påpåd ki cmince a mwindjî (L. Mahin, wallon)

- Allons, au zuste, combien veux-tu vende vot' seval ?
- Vas t'coucher, flaüte, et n'avanch' pus auprès d'mi pach'que t'allonche un papin su l'groin , t'iras t'pourmener aveucq cha dins tin pays... (Alfred Danis, Fantaisies drôlatiques et burlesques, 1850)

Lucien, min voésin, li sin papin ch'est d'gardiner. (Jean-Pierre Calais, Picartext)

J'ai vu des femm's qui s' crapougnottent,
S'lancer des terrin's ed' papin,
S' bombarder d' cops d' tart's à compote
Imag' vrai', du droit qui s' défind ! (Jules Mousseron, Picartext)

Il est vif comme un pou dans le papin (Le Broutteux du 27 mai 1883, in Eugène Rolland, Faune populaire de la France. Tome 12)

pape (une), papin (un)
capture d'écran de la vidéo sur la tarte au papin de chez Mémère Harlé

pape (une), papin (un)

Les Dimanches de la femme, 14 décembre 1930

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