Vocabulaire venu des parlers du Nord :
- Du Nord :
dépiauter |
grisou (wallon) marlou rabibocher rémoulade (rouchi) rescapé (Hainaut) |
taule « chambre » (N.-E.) |
- Du picard :
bourriche brocard « chevreuil » cabaret cabine caïeu « bourgeon » cajoler camp (ou prov. ?) canette (bière) canevas catimini |
chiquenaude (ou prov. ?) cloque compère-loriot coron (picard-wallon) dariole fabliau figer flasque (adj.) gribouille |
marcassin |
- Du normanno-picard :
accabler bercail biche boqueteau caboche |
cafouiller calumet cambrer chique colimaçon |
crevette grincheux pouliche vergue |
- Du normand :
acre |
éclair enliser (s') équille étrille gausser (se) graillon grésiller guibole (ou prov.) jusant maronner pleurnicher |
potin potron-minet prétentaine purin racaille rancart renflouer suroît « vent du S.-O. » tocard vareuse vaudeville |
- De l'anglo-normand :
haddock pieuvre
Le néerlandais dans la langue française
Par leur proximité des Pays-Bas, les parlers romans du nord et du nord-est de la France ont également été, avec le normand, de fréquents intermédiaire pour l'introduction du vocabulaire néerlandais en français. Quelques exemples :
- dégingandé, mafflu, reluquer, par un dialecte du Nord ;
- colza, escarbille, par un dialecte wallon ;
- brader et buse « conduit », par les dialectes picard et wallon ;
- cauchemar, corvette, layette, maquiller, vilebrequin, par le picard ;
- coche « bateau », criquet, dégringoler, étriquer, par le normanno-picard ;
- crabe, éperlan, gribiche, macreuse, par le normand ;
- varlope, par un dialecte du Nord-Est ;
- maquereau, par un dialecte champenois.
Mais cette vingtaine de mots passés par les dialectes du Nord serait fort peu de chose s'il n'y avait aussi les quelques 300 mots empruntés directement (cf. plus loin).
Un peu d'histoire
Ce grand nombre de mots néerlandais passés en français ne doit pas surprendre, car les relations entre les Pays-Bas et la France ont été étroites dès le Moyen Âge. Les foires de Champagne, au XIIe et XIIIe siècles, étaient des places commerciales où les gens du Nord se rendaient pour vendre du drap, du lin, du miel, de la teinture ds figues, des épices. Les marchands flamands y avaient un contact direct et répété avec des populations auxquelles ils apportaient non seulement les produits de leur pays, mais aussi les mots pour les désigner.
Au XIVe siècle, le trafic ne se fait plus uniquement par voie fluviale, mais aussi par voie maritime. Ce sont alors des pêcheurs et des navigateurs flamands qui jouent le rôle d'intermédiaires dans l'introduction du vocabulaire, tandis que, pendant tout le XVe siècle, de véritables colonies hollandaises s'implantent dans plusieurs villes maritimes de France : à Dieppe, à Rouen ou à Bordeaux. Pour assécher les marais de Picardie, du Poitou, de Saintonge, de Guyenne, d'Auvergne ou de Provence, c'est encore aux Hollandais que s'adresse Henri IV. Et, au cours du XVIIe siècle, Colbert fait venir à son tour des Flandres les artisans les plus habiles pour réorganiser en France le tissage, la construction navale et l'industrie hydraulique.
Après quelques années d'interruption à la suite de la révocation de l'édit de Nantes, les relations officielles entre les deux pays reprennent au XVIIIe siècle, mais l'influence linguistique s'estompe alors, car les Hollandais résidant en France prennent l'habitude de parler français.
C'est seulement au XIXe siècle, avec l'établissement de l'industrie diamantaire en France, grâce à des artisans venus d'Amsterdam et d'Anvers, qu'un nouvel afflux de mots néerlandais pénètre en français.
Ainsi, du XIIe a XXe siècle, dans le même temps où le néerlandais empruntait au français une grande partie de son vocabulaire dans le domaine culturel, les apports néerlandais n'ont pratiquement pas cessé d'enrichir la langue française dans d'autres domaines.
Les plus vieux emprunts au néerlandais
Voici tout d'abord les vingt-neuf premiers mots néerlandais entrés en français (XIIe et XIIIe siècles) :
amarrer bar (poisson) béguine "religieuse" bloc bluter boulanger brique cabillaud choquer "heurter" coche (bateau) |
coquemar "bouilloire" crabe craquelin (gâteau) échoppe écrou flot fret godet graver haler "tirer" |
hobereau lest lippe maquereau maquignon plaquer ruban saur "fumé" vacarme |
On reconnaît déjà, dans cette liste d'emprunts anciens, un vocalubaire essentiellement lié à la navigation (amarrer, coche, flot, lest, haler) et au monde de l'artisanat (bluter, boulanger, échoppe, écrou, godet, graver.
Mots venus du néerlandais
action (finance) affaler aiglefin amarrer apartheid (de l'afrikaans) bâbord bague bar (poisson) beaupré bègue béguine bélier berme berne bière blague (à tabac) blaser (v.) bloc blocus bluter botte boulanger boulevard bouquin brader brandy brique brodequin buse cabillaud cambuse came cancrelat cauchemar choquer cliver coche (nav.) |
colin colza commodore coq (cuis.) coquemar corvette couque crabe craquelin criquet dégingandé dégringoler démarrer digue dock doper doping (angl.) drille drogue drôle échoppe écope écran écrou éperlan épissure escarbille espiègle estompe (crayon) étai étape étriquer flaque flétan flibustier flot flotter |
foc frelater freluquet fret frise (cheval de) frisquet gin godet goupillon graver gredin gribiche grommeler grouiller gruger gueux haler hennin hisser hobereau hottentot houblon houppe interlope kit layette lest lippe loch (mar.) loque loterie macreuse mafflu malstrom mannequin maquereau maquignon |
maquiller matelot micmac mite mitraille pack pamplemousse paquet pique plaquer polder pomme de terre potasse rabot radoter ramequin rate reluquer rigole ripaille riper rouf ruban saur "fumé" stopper (tissu) tribord tringle trique trouille vacarme varlope vase "boue" vilebrequin vrac wagon (angl.) yacht yankee yole |
Quelques domaines privilégiés
Si l'on étend l'examen à la totalité des emprunts au néerlandais, on remarquera la présence d'un grand nombre de mots concernant :
- les produits de la mer : aiglefin, bar, cabillaud, colin, crabe, éperlan, flétan, maquereau ;
- la cuisine et la table : bière, colza, couque, craquelin, gribiche, houblon, macreuse, pamplemousse, ramequin, saur "fumé" ;
- les techniques : bélier, came, cliver, épissure, rabot, tringle, varlope, vilebrequin.
Une grande majorité de termes intégrés
Dans cette liste, on pourrait encore relever du vocabulaire concernant la toilette et le vêtement, tel que hennin, houppe, loque, layette, mannequin, ruban, stopper (un tissu), ou des noms de bateaux (corvette, yacht, yole), etc., mais ce qui frappe en réalité, c'est la fusion complette de ce vocabulaire dans les mots du lexique français. Une lecture, même très attentive, de la liste ne laisse transparaître qu'une dizaine de mots trahissant leur origine étrangère, et le plus souvent seulement en raison de leur graphie : apartheid, brandy, dock, doping, kit, pack, wagon, yacht, yankee.
En dehors de ces quelques exceptions, on a bien l'impression, au contraire, que des mots comme affaler, bâbord ou boulanger, boulevard, drille ou épissure, frelater, houppe ou ruban, trique, maquignon ou vacarme sont et ont toujours été de bons vieux mots bien français.
Dictionnaire des mots d'origine étrangère, sous la direstion de Henriette Walter et Gérard Walter, Larousse, 2000.