• Étymologies picardes

    Étymologie de quelques mots picards et chtimi, avec autant que possible des exemples sous formes d'images et de citations :

  • Définition : abruti, idiot, benêt

    Répartition : Nord-Pas-de-Calais

    Étymologie : citons l'article babaille et babaye dans Jean-Baptiste Jouancoux :
        La première forme est donnée par Corblet, la seconde est dans Cotgrave ; mais, c'est au fond, le même mot qu'on rencontre dans la locution faire la babaille, bailler ou rester la bouche baye, ouverte, c'est-à-dire littéralement faire une bouche d'étonnement devant quelqu'un ou quelque objet. Il y a là la particule ba venue du latin bis, lequel a pris, en passant dans les langues romanes, un sens péjoratif et s'est transformé en bes, ber, bar, ce dernier réduit assez souvent à ba par la chute de l'r. Baille et baye sont des dérivés le premier de bailler, le second de beyer : le primitif est badare, beyer, qui a donné le diminutif badaculare, bailler. Au radical bad qui est dans ces deux mots, se rattache le mot picard beyeuse, spectateur, du verbe beyer, regarder, penser à, qu'on trouve souvent dans le vieux français :
        « Qui honeur cace (chasse, recherche), honeur ataint,
        Et ki à peu bée à peu vient. »
                                        (Bl. et JETAN.)
        – Sire de Joinville, foi que doi vous, je ne bée mie si tost à partir de ci.
                                        (JOINVILLE.)
        J'ai souvent entendu mes bons voisins, les paysans du village de Gentelles, employer un curieux dérivé de beyer : c'est débeyer, loucher. Débeyer est proprement regarder mal, regarder de travers : de là le sens de loucher. Cet emploi de la particule dé au sens péjoratif se reproduira dans plusieurs mots picards, par exemple dans décairier (dérivé de cairier, charrier), qui se dit d'une voiture qui va de travers ou ne reste pas dans la voie.
        Corblet donne babaille comme adjectif féminin signifiant niaise, sotte, et cite le latin babulus comme pouvant avoir donné babaille. Sans compter qu'il est passablement étrange qu'un adjectif venu d'un adjectif latin n'ait pas de masculin, j'observerai que si babulus avait donné quelque chose, il n'eût pu faire que bable, bavle, et, par la chute de l, bave, absolument comme stabulum a fait étable, étavle, étave, comme tabula a fait table, tavle, tave. Dans son Etude sur le Dialecte picard, M. Raynaud a prouvé par des documents que le b de la finale abilis du latin se change en v dans notre dialecte – agréavle, amiavle, waaignavle, etc. - et que tavle rime parfaitement avec les adjectifs en avle du latin abilis. J'ajoute une preuve vivante, c'est qu'on dit toujours tavlée, tablée, s'atavler, s'attabler. Cet essai pour donner une étymologie, essai fort rare chez Corblet, n'est pas très heureux : babaille de babulus ou plutôt de babula, puisque babulus est resté stérile, est de la même catégorie et de la même force que abrier de arbor, affiquer de affidare, ahure de à et heure, anuit de anté noctem, aïude de adjutorium, etc., etc. Je cite ces mots dont je pourrais facilement grossir la liste, non pour le vain plaisir de critiquer, mais dans l'unique but de montrer l'insuffisance de l'ouvrage couronné par la Société des Antiquaires de Picardie, et de justifier ainsi la reprise de ce travail avec une nouvelle méthode et sur un nouveau plan.

     

        Les autres auteurs donnent souvent l'autre sens (maintenant oublié) de « bisou » (Desrousseaux, qui dit aussi babaje, Ed.Edmont, Brûle-Maison) ou de « joufflu » (Desrousseaux, Louis Vermesse, Pierre Legrand).
        babache (qui aime à faire des farces, des fredaines) est un surnom donné par A. Ferraud pour le patois de Jons (Isère).

        Le Géant Babache est le nom du géant de la ville de Maretz.

     

    babache, boubourse

     

     

     

    Le Journal d'Hénin-Liétard, 28 octobre 1900
    sens de "bisou"

     Voir également la chanson Nicolas ou Le baiser volé (deuxième couplet)

     

     

     

    babache, boubourse

     

     

    Lille en 1868 par Debuire du Buc
    sens de "joufflu"

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Boubourse semble assez récent. Je propose deux hypothèses :
    - imitation du bégaiement, d'une personne qui ne sait pas s'exprimer, qu'on ne comprend pas.
    - syllabes redoublées (sur le modèle de bébéte, babache de sens proche) pour bourse (les testicules).

       Vermesse cite entre autres formes de redoublement, le terme boubou pour "faire banqueroute".

        Signalons le verbe boubousser dans la Sarthe (râler), et en créole louisianais boubousse (La Grande Boubousse est un titre du clarinettiste de jazz américain, Omer Simeon, boubousse désigne un gueuleton, une fête).

     

    Exemple :

    boubourse (blog de la Voix du Nord).jpg

    blog de la Voix du Nord

    babache, boubourse


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  • Définition : garde-manger, arrière cuisine, local à provisions sous l'escalier

    Répartition : Nord-Pas-de-Calais (Flandre)

    Dérivé : spintje (diminutif)

    Origine : du néerl. spinde (garde-manger), lui-même du latin spenda "chambre à provision".
    néerl. spinde. S'est propager en allemand Spind (armoire métallique d'ouvrier ou d'écolier) et en luxembourgeois (grande armoire, compartimentée en casiers principalement installée dans les gares) [https://fr.glosbe.com/lb/fr/Spind].

    Exemple :

    spinde (un)


        En face de la cheminée un bas de buffet (spinde) aux formes gondolées, supporte un plateau garni d'un lourd service à café gagné par notre hôte au concours de l'Eté dernier.
    Jules Beck, Un intérieur flamand in La Vie à la campagne, 15 décembre 1929, Le Pays Flamand (p.5) et Le Beffroi de Flandre (2e année, N°22)(p.5)



        Viennent alors la cuisine, la laverie (wassch kamer), la buanderie et la salle aux provisions (spinde). Dans les appentis, derrière, sont les chambres à coucher des jeunes gens : une pour les filles, une pour les garçons, une pour la servante, s'il y a lieu.
    Paul Descamps, Les Populations rurales, La Flandre française (p.72)

        Chaque chaumière disposait d'une petite pièce n'ayant qu'une modeste ouverture sur le Nord avec un sol de terre battue de vingt ou trente centimètres plus bas que le niveau général. Cette salle fraîche tenait lieu de cave pour la conservation des aliments. C'était «de spinde».
    Chaumière en Flandres (Source Sercus ©Village Patrimoine) [https://www.caue-nord.com/fr/portail/41/observatoire/3504/chaumiere-en-flandres.html]


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  • Définition : un cagibi, une remise

    Étymologie : Guy Dubois (Parlez Chti !: Dictionnaire français-chti) le fait remonter à car (hangar pour ranger les chariots...). Jean-Baptiste Jouancoux indique le terme carreterie dans le sens de remise (hangar pour les charrettes et les instruments agricoles). Jules Corblet l'écrit cartrie et indique le mot carnichotte dans le sens de coin, recoin, niche. Hécart note carin et kérin.
        Mais il est également apparenter au français cagibi et cabas. En latin capax (« qui contient ») signifie de façon large un contenant. Du même radical gaulois que cabane, on rapproche aussi ce terme latin de l'arabe قفص, qafas (« cage, panier »). Le mot cabane, cabanon remonte au latin capanna (qui signifie toujours cabane, refuge en italien, mais qui donne dans le même sens cabana dans les autres langues romanes) serait apparenté d'un mot gaulois (gallois cab(an) « lit de camp, tente », breton koban « auvent, baraque », moyen irlandais cap(p) « charrette, bière »).


    Exemple :
        All' cache, all' racache et n' vot rien, ni dins l'carin, ni dins l' puch', ni dins l' pré.
    Jean Dauby, Lexique Rouchi-français suivi de Au long d'un an (1968) [picartext]

        A côté, derrière un bouquet de lilas chétifs, se trouvait le carin, une remise basse, pleine de vieux outils, et où l'on élevait, un à un, les lapins qu'on mangeait les jours de fête.
    Émile Zola, Germinal, chap. III

    carin (un)

    Gîte de location dans un ancien carin de la Cité des Électriciens (Bruay-la-Buissière)

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  • Définition : Fait-tout, cocotte, poëlon (en terre cuite) avec une queue ou plus souvent deux oreilles (Haigneré corrigé sur ce dernier point Hécart).

    Variantes : coué, couët, cuet
    Dans le Hainaut belge (Mons, Borinage, Ath), on note kewé, këwé, kèwèt, couwèt, -wé et même le féminin kewète.

    Répartition : Nord-Pas-de-Calais, Picardie
    Henry Carnoy (~1880) dans son Vocabulaire du patois picard de Warloy-Baillon (nord-est d'Amiens, près d'Albert) indique "cwę" [coué], m. petit vase de terre dans lequel on place le manger des chats.

    Origine : du mot coué dérivé de queue (FEW). Du lat. cōda, autre forme de cauda « queue ». J. Sigart et J. Corblet le rapprochent de couvet, couvot (Pot de terre ou de cuivre, avec une anse, dans lequel on mettait de la braise et qui servait de chaufferette aux femmes ou aux marchands en plein air), dérivé de couver (latin classique cubare « être couché » qui a dû développer le sens de « faire éclore les œufs » en latin vulgaire) ; suff. -et, -eau, -oir, -ot.
    Jean-Baptiste Jouancoux (Étude pour servir à un glossaire étymologique du patois picard, 1880) le fait remonter à couel, du bas-latin coquellum, venue de coculum, vase de cuisine. La forme couel n'est pas cité dans le dictionnaire de référence Godefroy (il cite le couet dans le sens de corde, écoute).

    couet (L'ménache d'un garchon, chanson par Charles Béghin, 1867)
    L'ménache d'un garchon, chanson (par Charles Béghin, 1867)

    Exemples :

    Ch'est ainsin qu'Alphonse i rinte un soir (adon qu'Zulma al étot surmint in route à vosiner) et li, conme gramin à l'époque, à causse du rationn'mint, il avot toudi sin boïo qu'i saquot. I vot ch'couet d'susch'poil in route à gargotter, i soulièfe ech' couvlèche, et "Mon Diu ! dù qu'ch'est qu'al a bin déniché des noulles ? D'pis l'temps qu' j'ai n'n'ai pon mingé" : i prind ch'l'équeumette et i assa?.... chà ch'est des noules fait main ; al sont démerlées et ein tiot peu fates, mais j'vas m'régaler tout n'minme !
    Raymond Coudert, Ecrits divers


    J' saisis l'couët ; mais l' frèr' gourmand
    L'attrape aussi pa l'aute orelle.
    Li saque à li ; mi j' saque à mi,
    Jules Mousseron

    Pou faire leu café
    I n'ont point d' caf'tière.
    I prennent un coué.
    Brûle-Maison, les Buveuses de café

    couet (un)

    Rcette dech gatieu couet
    L'est possibe qu'ej t'os djo baillé ech rcette lo ; m'tète est mie un ordinateur. Tu pourros dech keup l'rfoaire.
    I t'feut :
    - quat us,
    - deus-chint grammes ed chuke,
    - deus-chint grammes ed frinne,
    - un sachet ed levure
    - unne tèle,
    - unne couet,
    - un four,
    - du corage pour batte.

    Prinde unne couet.
    Mette ndin, chu ches bords et ch'couvèr, du bure.
    Din un eute tèle, berziller quat us et les batte in omblète.
    Mette apré deus-chint grammes ed chuke et batte chonc minutes.
    Mette alorss deus-chint grammes ed frinne et batte coèr chonc minutes.
    Mette un sachet ed levure, batte un molet et tout mette din ch'couet et chin couvèr.
    Mette alorss quarante-chonc à chincante minutes din un four eq t'os alunmé avant, à chint-soéçante-dis degrés, o thermostat sis.
    Apré, t'inlèves dech four et dech couet.
    Tu pux alorss keuper in deus, horizontalemint, mette ndin del crème, du chucola o del confiture.
    Tu pux étou, chi t'es un boin tchuisiner, mette dsu unne boinne crème moka.
    Boinne accion à ti.
    https://humeur-et-plaisir.blogspot.com/2014/12/rcette-dech-gatieu-couet.html


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  • Définition : plaisanterie grossière ; monologue destiné à être récité, texte satirique, pamphlet.
        Ce genre, né en Wallonie à la Renaissance, a été pratiqué en picard à partir du deuxième tiers du xviie siècle. La pasquille lilloise est un dialogue de 100 à 400 octosyllabes. Une intrigue simple l’apparente à une brève comédie de mœurs, avec parfois une intervention de l’acteur (le narrateur) qui en annonce l’issue. Le patois en est un élément essentiel, et la satire sociale est toujours présente. Définition de Fernand Carton, professeur de langues anciennes à l’université de Nancy. Yannick Lebtahi, « Humour et Figures de l’engagement. Le cas de Ronny Coutteure », Mise au point [En ligne], 9 | 2017, mis en ligne le 02 mai 2017, consulté le 01 juin 2021. URL : http://journals.openedition.org/map/2309 ; DOI : [https://doi.org/10.4000/map.2309]

    Dérivé : en yiddish à Israël, on trouve le terme «Pashkevil» פּאַשקעוויל‎ (Pashkevilim / פשקווילים‎ au pluriel), nom donné aux affiches apposées sur les murs de Mea-Shearim à Jérusalem. Celles-ci donnent parfois des informations mais souvent ce sont des pamphlets sur des personnes, des pratiques ou des institutions.

    pasquille (une)

    source : wikipedia anglais



    Origine : associée à une statue à Rome appelée «Pasquino». En 1501, après que le cardinal Oliviero Carafa fit dresser celle-ci sur un piédestal à l'angle de son palais, une main anonyme y placarda un pamphlet sur le pape. Il devint alors par la suite une tradition pour les romains de déposer sur la statue des écrits sur des personnalités ou des institutions.
        Les italiens appelèrent ces pamphlets «pasquinata» ou «pasquillo» en référence à Pasquino, le nom de la statue. Ces termes voyagèrent ensuite dans toute l’Europe pour devenir «pasquinade» ou «pasquille» en français, «paskèye» en wallon, «Pasquill» en allemand, «paszkvil» en polonais et ... «pashkevil» en yiddish. Le terme est entré en hébreu moderne (פשקוויל‎).
        Si vous passez un jour par Rome, vous pourrez aller sur la «plazza del Pasquino» ou se trouve toujours cette statue sur laquelle les romains continuent de déposer des pamphlets ... comme à Mea-Shearim. (post FaceBook)
        Voir Pasquin, les pasquilles et les pasquinades, in La Revue Contemporaine, Tome 50, Paris 1866), à lire sur Google Books
        on trouve les formes pasquée, pasquéye, pasquillette...

     

    pasquille (une)pasquille (une)pasquille (une)

     

     

     


    Exemple :
        Mais des faiseurs de crêpes, autrement dit d'aliettes, des étameurs de casseroles, des bateleurs, des montreurs d'ours ont rassemblé la foule autour d'eux. Sous un immense parapluie rouge, un chanteur ambulant, vêtu en Jean Potage, entame une pasquille patoise du lillois Brûle-Maison, le dernier des trouvères. (Charles Deulin, in Le Pays du 24 février 1873)

        Original toute sa vie, Cottignies voulut l'être encore après sa mort. Il habitait une petite maison sur la place du Théâtre. L'escalier en était tellement étroit, qu'il ne permettait d'introduire aucun meuble dans le trou qui lui servait de demeure. Or, sentant sa fin s'approcher, il fit appeler un menuisier et le contraignit à construire son cercueil sur place, de sorte qu'au jour de ses obsèques on fut, au grand ébahissement de la foule qu'il avait tant amusée, forcé de le descendre par la fenêtre. Ce fut sa dernière pasquille, et non la plus mauvaise. (Edmon Neukomm, in Le Ménestrel : journal de musique du 20 février 1898)


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